La Cappadoce se compose de plusieurs régions et a subi des transformations répétées (Strabon XII, 1, 1). Cependant, on observe une permanence de son identité. Histoire et archéologie témoignent des liens de la Cappadoce avec les régions voisines de Transcaucasie et de Mésopotamie septentrionale, l’ensemble faisant charnière entre le monde grec et iranien. La rareté des villes explique la lente progression des civilisations dominantes, iranienne, hellénistique et gréco-romaine, byzantine puis turque. Si les monnaies des rois de Cappadoce (302 av. J.-C. – 17 ap.) traduisent de l’hellénisation et de la romanisation de l’élite, le paganisme romain est caractérisé par la survie des entités mythiques hittites. On peut considérer comme exemplaire la popularité durable de la légendaire vision de saint Eustathe qui montre le Christ se révélant à lui sous la forme d’un cerf, dernier avatar du culte du cerf attesté en Anatolie hittite et romaine.
La découverte récente des nécropoles antiques et tombeaux monumentaux dans les zones rupestres connues pour leurs églises, ont mis en évidence la continuité du peuplement païen et chrétien. Pour la région d’Avanos-Göreme, l’archéologie confirme les données littéraires qui remontent à Strabon, aux Pères de l’Église et à une Vie de saint local écrite au début du VIe s. La christianisation précoce de la province fut marquée par la fondation de l’Église d’Arménie dépendante de Césarée, et par le triomphe de l’Église cappadocienne à l’époque des deux Grégoire et de Basile le Grand. Dans les campagnes, il reste encore quelques-unes des nombreuses petites églises construites de cette époque au VIIe s. Mais ce sont surtout les innombrables monuments rupestres et décors peints qui nous permettent de proposer une chronologie relative à partir du VIe s., de compléter des vides de l’imagerie chrétienne orientale et de juger de la byzantinisation des programmes cappadociens au XIe s.
Au cours du Haut Moyen Âge, un art cappadocien gréco-oriental se développa caractérisé par la schématisation assyrienne des feuillages et rinceaux de vigne, transmise par les Sassanides, et qu’on retrouve dans toute l’aire méditerranéenne, en Transcaucasie et en Syrie omeyyade. L’intense religiosité cappadocienne s’exprima par quelques images reflétant les discussions christologiques dont l’Iconoclasme fut la dernière crise. Après le hiatus dû aux guerres arabes, les fondations se multiplièrent et la créativité cappadocienne post-iconoclaste n’ignora aucun sujet (Déisis, Dormition,Transfiguration, Apôtres missionnaires et juges, éléments du Jugement dernier, etc.). La plupart de ces images n’eurent pas de suite byzantine alors qu’on retrouve des parallèles en Occident dans l’art carolingien, préroman et roman, et des échos orthodoxes dans la peinture géorgienne. À Göreme, l’identification de la puissante famille des Phocas comme commanditaire de la Nouvelle Église de Tokalý kilise (ca 950- 960), et dans une église voisine, la représentation commémorative de leur triomphe, donnent vie aux épisodes glorieux de la reconquête des terres d’Asie.
« Ouvrage d’une rare densité, la Cappadoce de l’Antiquité au Moyen Âge procède de l’expérience de terrain de son auteur. Grâce à l’économie de son plan, la présence d’index à plusieurs entrées (toponymique, onomastique…) et de son abondante iconographie, il constitue une étude aboutie et de première importance tant pour les spécialistes que pour les profanes. » (J.-M. Hofman dans Archéologia, n°395, Décembre 2002, p.77).
« Véritable bilan des connaissances archéologiques, iconographiques, épigraphiques, voire numismatiques, ce livre sera très précieux. (…) Nous avons là un aperçu des richesses si variées que contient cette monographie magistrale, à laquelle devront désormais recourir tous ceux qui étudient le christianisme en Orient durant le premier millénaire. » (B. Gain dans Revue d’Histoire ecclésiastique, 99 #2, 2004, 452-454).
« Ce livre est une somme, et à ce titre une contribution fondamentale aux études byzantines en général, aux études d’histoire de l’art byzantin en particulier. Mais aussi, du moins pour ce qui touche aux monuments cappadociens des VIe-Xe s., un extraordinaire apport à l’histoire de l’art chrétien du très haut Moyen Âge, qui par effet de miroir ou par ricochet éclaire le peu que l’on sait et que l’on conserve des arts du très haut Moyen Âge en Occident. » (Y. Christe dans Cahiers de civilisation médiévale, 48, 2005, 191-192).
« Ce travail de synthèse comble un grand vide dans la bibliographie de cette région. » (E. Yota dans Bulletin Monumental, 163-iv, 2005, p.389)